Le syndicat Culture Viandes a partagé ses inquiétudes concernant les viandes de boucherie. Entre la baisse de la production, de la consommation et des importations tenaces, les filières font face à de nombreux défis.
« Les productions diminuent, les prix augmentent, tout comme les importations », a amèrement résumé Yves Fantou, président de Culture Viandes, le 20 février, à l’occasion d’un point sur l’état de santé des filières viandes de boucherie. Cinq sujets inquiètent particulièrement le syndicat des entreprises des produits carnés :
- La décapitalisation se poursuit, malgré les cours très hauts
Aujourd’hui, beaucoup d’abattoirs se restructurent ou bien transfèrent leurs activités afin de mieux adapter leurs structures aux volumes à traiter. « De nombreux établissements tournent seulement 4 jours sur 5 à cause de la décapitalisation, alors que la majorité fonctionne sur des économies d’échelle », détaille Paul Rouche, directeur de Culture Viandes. Depuis septembre 2023, on compte une fermeture définitive d’abattoir mensuelle en France, selon le syndicat.
La France a perdu entre fin 2016 et fin 2023 près d’un million de vaches laitières et allaitantes. Le cheptel allaitant comptait à la fin de l’année 3,47 millions de tête (-2,1 % par rapport à fin 2022). « L’offre a reculé de 5 % en volume pour les bovins, compliquant la tâche des entreprises qui sont déjà fragilisés par les hausses des coûts de production tels que l’énergie, les emballages et les transports », relate Yves Fantou. Face à ce manque de volume, les cours de la viande bovine atteignent des prix très élevés (+40 % sur les deux dernières années), sans pour autant relancer une dynamique de production.
La décapitalisation sévit également chez les porcs, avec une perte sur les 12 derniers mois de 2 millions d’animaux (-4,6 % du cheptel) alors que, là aussi, les prix sont très élevés. Les cours du kg de carcasse classe S ont dépassé les 2,50 € le kg à plusieurs reprises en 2023, alors que début 2022, ce même prix peinait à dépasser 1,45 €.
- La consommation marque un coup d’arrêt
La viande bovine a marqué un coup d’arrêt en 2023, après trois ans de « relative stabilité », observe Culture Viandes. Les ménages français ont consommé pour 1,45 million de tonnes de produits de viande bovine en 2023, contre plus de 1,5 million en 2022 (-3,7 %). L’inflation a pesé sur les portefeuilles des ménages qui se sont détournés de la viande bovine, ou bien ont descendu en gamme. « Les consommateurs de bio se sont réorientés vers le label rouge, ceux du label rouge vers le conventionnel… jusqu’aux consommateurs de steak haché frais qui se sont orientés vers le surgelé », illustre Paul Rouche. Bien que les prix au détail aient cessé leur hausse, l’Insee constatait encore une forte inflation sur douze mois glissants en octobre 2023 (+12,3 % sur l’ensemble des viandes).
- Les importations gagnent du terrain
La filière porcine française maintient son autosuffisance, mais celle-ci s’érode au fil des années (101,8 % en 2023 après 103 % en 2022). La part d’importation de viande bovine est restée à 25 % en 2023, tandis que la filière viande ovine affiche 50 % d’autosuffisance. Le déclassement des achats des ménages français profite aux importations, notamment au niveau des steaks hachés surgelés. Si Culture Viandes n’a pas de chiffre le confirmant, le syndicat estime que cette catégorie de produits contient bien plus de produits importés que les steaks hachés frais.
- Effondrement de la consommation des co-produits
La consommation des coproduits « s’effondre » en France, alerte Culture Viandes. Alors que cette catégorie représente 45 % dy volume de l’animal, l’envoi de ces pièces à l’équarrissage est bien moins valorisé par les entreprises que s’ils sont transformés et mis en vente, venant mettre à mal leur équilibre matière. « Le cuir des bovins éprouve lui aussi des difficultés face au développement du cuir vegan », souligne Yves Fantou.
- Le plan abattoir peine à se mettre en place
Annoncé en juillet 2023 par le ministère de l’Agriculture, le plan stratégie abattoirs ne dispose toujours pas de calendrier précis, regrette Culture Viandes. La démarche, dont l’objectif est d’identifier les modèles d’abattage les plus pertinents pour chaque territoire, doit être pourtant mise en place courant 2024. « La grille de critères est faite, mais le problème des financements des audits et du choix des outils d’abattage audités reste entier », indique Paul Rouche.
Les audits de bientraitance animale bientôt obligatoires
Le syndicat s’est montré plus optimiste en abordant sa démarche de progrès concernant la bientraitance animale. « Nous voulons rendre les audits de bientraitance animale obligatoire à tous les abattoirs », ambitionne Yves Fantou. Aujourd’hui volontaire, ce diagnostic est réalisé tous les 18 mois par des tiers extérieurs. « Nous avons demandé aux Pouvoirs Publics s’il était possible que nous nous fassions aider pour financer cette évaluation qui coûte 2000 euros », ajoute Paul Rouche. Aujourd’hui, 80 % des abattoirs de gros bovins, 60 % des abattoirs de veaux et 58 % des abattoirs porcins sont audités sur la bientraitance animale.
Par ailleurs, Culture Viandes travaille sur de nouveaux débouchés à l’export pour les viandes de boucherie. L’Australie a validé le protocole sanitaire proposé par la France pour la viande de porc, tandis que la Corée se montre intéressée par des achats de viandes, coproduits et abats de bœuf.
Valentin Ragot