Indicateur des tendances dans le domaine des ingrédients, le Food Ingredients Europe 2024, qui se tient du 19 au 21 novembre, à Francfort (Allemagne), témoigne que la vague végétale continue de déferler en Europe.
Les ingrédients d'origine végétale occuperont une place prépondérante lors du Food Ingredients Europe (FiE), qui se tiendra du 19 au 21 novembre, à Francfort (Allemagne), annonce Informa Markets. La société organisatrice du salon observe que la demande continue de croître pour des solutions permettant le développement de produits à base de végétaux. Cela augure de bonnes perspectives à long terme pour cette catégorie d'aliments. L'analyste de marché Mintel prévoit que le marché mondial pourrait même atteindre les 160 milliards de dollars d'ici 2030. « Il ne fera qu'augmenter à mesure que les gens se préoccuperont davantage de la durabilité, du bien-être des animaux, de leur santé et de leur bien-être », explique Lucy Whittaker, productrice de contenu chez Informa Markets. Toutefois, nuance-t-elle : « les fabricants doivent redoubler d'efforts pour améliorer le goût, la texture des produits à base de végétaux, afin de répondre à l'attente des consommateurs. Ils peuvent compter sur les nombreuses innovations dans le secteur des ingrédients à base de végétaux. »
L'innovation tirée par des morceaux entiers
Cette augmentation de la demande s’accompagne d’une évolution de l’offre dans les produits. « Auparavant, les substituts à la viande se présentaient principalement sous forme hachée comme les steaks, les saucisses et les galettes. Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises, comme la start-up française Swap (ex-Umiami) et la suisse Planted, se tournent vers les morceaux entiers, ce qui oblige à relever des défis liés à la création de textures musculaires », note Niamh Michail, responsable d’édition chez Informa Markets.
Un autre domaine dans lequel Informa observe une poussée d’innovation est celui des alternatives végétales aux fromages : ils constituent un véritable défi, car il est difficile de reproduire les propriétés structurelles du fromage. « Nous avons vu de nombreuses start-ups entrer dans cet espace avec des produits qui imitent le fromage conventionnel en termes de goût et de texture, comme la façon dont il fond, s’étire », dit-elle. En France, par exemple, Jay & Joy et Les Nouveaux Affineurs ont développé des alternatives végétales à différents fromages.
De nouvelles technologies prometteuses
Selon Niamh Michail, la fermentation de précision est à l'origine des avancées dans ce domaine. « Traditionnellement, les fromages végétaliens étaient des mélanges d'huiles, d'amidons, d'arômes et de colorants d'origine végétale. Cela donnait des produits qui n'étaient pas vraiment attrayants. Avec la caséine et les protéines de lactosérum produites par fermentation de précision, les développeurs peuvent obtenir les caractéristiques d'étirage et de fusion qui font souvent défaut aux premières alternatives végétales aux fromages », estime-t-elle.
En Europe, les protéines laitières obtenues par fermentation de précision ne sont pas encore autorisées, mais des demandes sont en cours d'examen par l'Efsa et pourraient arriver prochainement sur le marché. Niamh Michail souligne toutefois que la fermentation traditionnelle a également un rôle à jouer dans l'amélioration du profil gustatif des fromages à base de plantes.
Des recettes simplifiées
Améliorer le caractère naturel et la qualité nutritionnelle des aliments d’origine végétale doit être désormais une priorité pour l’industrie. Les aliments d’origine végétale ont souvent de longues listes d’ingrédients, ce qui signifie qu’ils sont classés dans le système Nova comme des aliments ultratransformés et les consommateurs le remarquent. Dans un sondage mené dans 17 pays par le centre de recherche européen EIT Food Consumer Observatory, 54 % des personnes interrogées ont déclaré qu’elles avaient déjà renoncé à acheter des substituts de viande d’origine végétale en raison de leur association avec l’ultratransformation.
Certaines entreprises ont entrepris de remanier leurs recettes pour rationaliser le nombre d’ingrédients, explique Informa. Par exemple, Beyond Meat a dévoilé une quatrième génération de produits de bœuf à base de plantes, qui contiennent de l’huile d’avocat et 20 % de sodium en moins. Oatly a créé deux nouveaux produits : le lait d’avoine non sucré, qui ne contient aucun sucre et seulement 40 calories par portion et le lait d’avoine super basique, fabriqué à partir de quatre ingrédients, seulement. Lucy Whittaker estime que les clés pour garantir que l’expérience corresponde aux attentes sont l’éducation des consommateurs et la transparence sur les ingrédients et les techniques de transformation.
« Il n’est pas toujours évident de savoir ce que l’on entend par “ultratransformé”, il est donc très important que les fabricants communiquent activement sur les caractéristiques de leurs produits, plutôt que de les laisser être classés dans la catégorie des ultratransformés. Il s’agit d’éduquer les consommateurs sur le fait que “ultratransformé” ne signifie pas toujours ajouter des tonnes d’ingrédients et d’additifs nocifs pour la santé ; il s’agit plutôt de processus de fabrication ; et qu’en fait, de nombreux produits à base de viande passent par des processus similaires », dit-elle.
Quant au profil nutritionnel, il doit être bon, non seulement pour apaiser les critiques, mais aussi afin que ces produits d’origine végétale couvrent les mêmes besoins en nutriments que leurs homologues animaux. C’est d’autant plus important pour les consommateurs qui augmentent la part de ces produits dans l’alimentation.
« La première génération de laits végétaux n’était littéralement composée que de soja, d’eau et, peut-être, d’un émulsifiant pour arrêter la séparation. Les entreprises sont désormais conscientes que si les gens remplacent les produits laitiers avec des alternatives à base de plantes, il pourrait y avoir un risque de carences en micronutriments. C’est relativement facile à traiter dans les produits laitiers par l’enrichissement, mais dans les substituts de viande, en faisant correspondre le profil des acides aminés essentiels d’un produit d’origine animale, cela peut être plus délicat », insiste Niamh Michail. Des stratégies existent pour surmonter ce défi, comme le mélange de différentes protéines végétales pour obtenir un profil d’acides aminés plus complet ou l’utilisation de la fermentation pour améliorer la digestibilité des nutriments. En revanche, aucune solution n’est simple, estime-t-elle : « une autre complication est que certaines protéines végétales comme le soja et le pois contiennent des phytonutriments antinutritionnels. Ce sont des facteurs dont il faut tenir compte. »
Du végétal mais pas seulement
Ainsi, les aliments à base d’ingrédients végétaux sont amenés à gagner en importance dans les régimes alimentaires. Mais pour que les marques conservent et développent leur clientèle, elles devront proposer des produits peu transformés (ou capables de justifier et d’expliquer toute transformation) et durables, tout en offrant un bon goût. L’absence d’ingrédients d’origine animale, à elle seule, ne suffit désormais plus à attirer les consommateurs.
Sylvie Richard